Ce roman de Witold Gombrowicz, que j'admire sans doute le plus dans son œuvre, est une perle, un petit diamant pervers et aigu. Je n'avais jamais pensé à en faire un film : peut-être par admiration, peut-être parce que toutes les adaptations de l'auteur se sont montrées décevantes, ou bien même ridicules. L'homme était suprêmement intelligent, son écriture capricieuse, les intrigues de ses écrits voilées par un humour surréaliste, c'est-à-dire, dans le cas le plus simple, fantasque. Ou - et - noir.
Il a fallu Paulo Branco, un des producteurs les plus éclairés - mais aussi des plus lettrés - d'Europe pour me faire croire qu'une adaptation de "Cosmos" au cinéma était non seulement possible, mais diablement excitante. Ensemble, nous avions déjà fait une transposition de "La Princesse de Clèves" à l'écran, avec LA FIDELITÉ, il y a 14 ans.
"Cosmos" ?
Un polar tissé de choses petites, une histoire d'amour, un sondage du cœur humain dans sa jeunesse.
Un peu effrayant, bien drôle quand il en a envie.
Deux jeunes gens vont passer quelques jours de repos près de la mer et des montagnes. En province. Le héros - Witold lui-même - a raté ses examens de droit. Fuchs, son comparse est de Paris aussi, mais dans la mode et vient d’être renvoyé par son patron. Contraints d’être économes tous les deux, ils se choisissent une pension dite de famille. Où les accueille un moineau pendu dans la forêt, puis un bout de bois tout aussi pendu, puis une série de signes au plafond et dans le jardin, indiquant une volonté et une direction.
Une fenêtre, une chambrette avec des objets simples, plantés les uns dans les autres.
Une plume, des agrafes, mais aussi une hache dont le manche indique - quoi ?
Une bouche torve - celle de la servante - une bouche parfaite : celle de la jeune femme de la maison. Dont Witold tombe éperdument amoureux. Or, elle est fiancée, n'est-ce pas - à un architecte des plus convenables. Est-elle seulement convenable, elle ?
Apres la découverte d'un chat pendu - en triangle de jalousie amoureuse ? - ce petit beau monde de la pension se rend à la montagne pour y vivre explication et catharsis, ou, d'ailleurs, rien, si la passion est une explication.
Cette démarche suit l’intrigue en huis-clos, touffue et sexuelle du roman de Witold Gombrowicz, pervers et par moment drolatique, fin et brutal à la fois, inquiétant et – pourrait-on dire – hitchcockien.
Le cœur humain est sombre, il veut la lumière, l'atteint-il ?
Tout cela est cousu de petits faits, de petits riens, de crimes plus grands que la raison veuille l’admettre. C'est un "suspense" et un drame, et une comédie.
Scénario – acteurs – discipline sont, je pense, les trois mots clés de ce film à la fois de suspense et de passion amoureuse.
Andrzej Żuławski